Nadrez
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ROGER BACON DE L'ADMIRABLE POUVOIR ET PUISSANCE DE L'ART, OU EST TRAITE DE LA PIERRE PHILOSOPHALE.
Le traducteur au lecteur, En un Petit corps gît souvent grande puissance. Ce quentendras (lecteur) lisant ce livre, Que jai traduit & mis en apparence, Pour daucun sots lerreur ne faire vivre : Car il démontre à lœil ce quil faut suivre, Ou rejeter touchant faits admirables, Tend à ce que lArt imitant Nature, Peut bien ce là que maints estiment fables, Gens hors raison, & dinique censure.
Comme on dirait, le livre des offices des esprits, le livre de la mort de lâme, le livre de lart notoire, & autres infinis, qui ne contiennent ( comme dit est) pouvoir & puissance ni de art, ni de nature : mais bien choses controuvées par les magiciens. Toutefois il est nécessaire de considérer quon répute & estime plusieurs livres être de ceux des magiciens, qui ne sont pas tels, mais qui contiennent dignité de sapience. Et quant à ce, lexpérience dun chacun démontrera ceux là, qui sont suspects, & ceux qui ne le sont point. Même si aucun trouve en quelquun diceux lœuvre de nature ou dart, quil le preuve & reçoive : si autrement, quil le délaisse, comme étant suspect & indigne dun homme sage considère que tel livre serait superflu, & que cest à faire à un magicien de pénétrer chose superflue, & non nécessaire. Et ne faut douter quen éprouvant la nature & lart, on ne parvienne à chef de lintention, quon aurait. Parce que, comme Isaac a estimé au livre des fièvres, lâme raisonnable nest empêchée en ses opérations, si elle nest détenue par lignorance ? & que Aristote sus allégué est dopinion au livre des secrets, quen telles choses le personnage sain & bon, peut toutes choses qui sont nécessaires à lhomme, avec toutefois influence de la vertu divine. Ce que témoigne le dit Aristote au troisième des Météores, disant, quil ny a vertu, sinon par la puissance de Dieu, & à la fin des Ethiques quil ny a vertu ni morale, ni naturelle de céleste vertu, sans influence céleste & divine. Donc quand nous parlons de lénergie & pouvoir des choses particulières opérantes, nous ne rejetons point lagent universel de la première de la première cause, qui infonde plus en la chose causée, que ne fait la seconde, comme contient la première proposition des cause. Je raconterai donc maintenant merveilles par œuvres dart & de nature, pour puis après (assignant les causes & manières des choses, auxquels il ny a rien dart magique ) dire & conclure, que toute puissance magique est inférieure à ces opérations, & indigne dicelles. Premièrement par figuration de lart même instruments pour naviguer se peuvent faire, sans quil y ait hommes nageant, comme des grands & marins navires, qui iraient par un seul homme gouvernant en plus grande légèreté, que si elles étaient pleines dhommes navigants. Se peuvent aussi faire des chariots, qui sans bête ou animal se mouvraient avec inestimable effort, comme on estime avoir été les chariots garnis, & munis de rançon, desquels on bataillait anciennement. Aussi peuvent être fait instrument pour volet, où lhomme étant assis au milieu de linstrument, virerait aucun engin, & par icelui les ailes, pource faites & composées artificiellement, battaient lair à la manière dun oiseau volant. Item se peut faire instrument petit en quantité, pour élever ou abaisser plusieurs poids, duquel il nest rien plus utile au cas posé : joint que par instrument de la hauteur de doigts & largeur diceux, & de moindre quantité, pourrait quelquun, soi-même & ses compagnons délivrer de tout péril des prisons & les élever & descendre. Plus se peut facilement faire un engin, par lequel un homme tirerait à soi mille hommes par violence, sans aucune volonté diceux, se peuvent aussi faire instruments pour marcher en mer & au fleuve près dun pré, sans péril du corps (même Alexandre le grand a usé de ces choses, afin quil vît les secrets de la mer, selon que narre le moral astronome) & tels instruments anciennement & de notre temps ont été faits & est certain quil y a instrument pour voler, lequel nai vu, & nai connu homme qui lait vu, mais bien connais par nom & surnom le sage, qui a découvert cet artifice. Bref, ils se peuvent faire infinies choses semblables, comme des ponts sur fleuves sans colonne, ou pilier, en arc, & aucun empêchement, & des machines & engins, desquels on a point encore ouï parler. Mais quoi ? on trouve plus des figurations naturelles, savoir est quon peut ainsi figurer choses claires, & miroirs, quune chose se montrerait plusieurs, un homme exercite, & plusieurs, & quil apparaîtrait tant de soleils, & tant de lunes, que nous voudrions. Car si aucunes fois les vapeurs se figurent tellement, que deux soleils, ou trois, & deux lunes apparaissent ensemble en lair (comme Pline dit, au second livre de lhistoire naturelle) par même raison aussi peut une chose apparaître plusieurs & infinies. Raison cest que après ce quelle excède sa vertu, il ny a (comme argumente Aristote, au chapitre de la chose vaque) nombre déterminé. Au moyen de quoi, se peuvent faire infinie terreurs à toute cité & exercite, & certes périlleux, ou par multitude dapparition détoiles ou dhommes, sur eux assemblés, principalement sil choit & advenait quelque cas, sous lequel ils se trouvaient. Emme (dis-je ) se peuvent figurer de choses si claires, quelles, étant mises très loin, apparaîtraient très prochaine, & au contraire, tellement, que par incroyable distance nous aurions lu des lettres très petites, & vu choses autant petites, que lon eut pu percer, & aussi aurions fait apparaître des étoiles en quelque part nous aurions voulu. Et estime-t-on que Jules César en ce point a aperçu, par grands miroirs, au bort & rivage de la mer, en la Gaule, la disposition & assiette des châteaux & cités de la petite Bretagne. Il se peut aussi figurer des corps de telle industrie, que les très grands apparaîtraient très petits, & au contraire : & les hauts apparaîtraient bas & petits, & à lopposité, & les occultes apparaîtraient manifestes. Quil soit ainsi, Socrate trouva & aperçut que le dragon qui corrompait la cité, & la région de son haleine & pestilence influence, résider entre des cavernes de montagnes ( & ainsi toutes les choses qui seraient contraires aux cités, & exercites, peuvent être aperçues des ennemis ). Aussi se peuvent tellement figurer des corps que les espèces & influences venimeuses & infectes iraient là où lhomme voudrait, ce quon dit quAristote enseigna à Alexandre, par lequel enseignement ou doctrine il détourna contre la cité même le venin du basilic, qui était élevé sur les murailles dicelle, encontre son exercite. Ils se peuvent pareillement figurer des miroirs, tels que tout homme, qui entrerait en quelque maison, verrait véritablement or, argent, pierres précieuses, & tout ce quil voudrait, & quiconque se hâterait de découvrir le lieu, ne trouverait rien. Mais pour dire ce que je vois dire, est des plus hautes puissances de figuration, quon peut amener & assembler rayons par diverses flexions & réflexion, en toute distance, que nous voulons, par façon, que tout objet se brûlerait ( ce que les miroirs, qui brûlent devant & derrière témoignent, comme certains auteurs enseignent aux livres traitant telles choses ) & davantage le plus grand cas de toutes les figurations & choses figurées, cest quon décrive les corps célestes selon leurs longitudes & latitudes en figure corporelle, par laquelle ils se meuvent corporellement au mouvement diurnal. Lesquelles choses vaudraient un royaume à un homme discret & sage. Et quant est pour exemples de figurations, icelles suffiront, combien quon pourrait proposer, & mettre en avant plusieurs autres choses admirables. Or à icelles il y en a aucunes annexées sans figurations, & ( en toute distance que nous voulons ) pouvons artificiellement composer feu brûlant de salpêtre, dhuile, de pétrole rouge, & dautres, dambre, de naphte, de pétrole blanc, & de semblables choses. Selon laquelle façon de feu Pline préallégué dit au 2. livre, quil y en eut a Rome un, qui se défendit contre lexercite des Romains, & que par plusieurs projets il brûla les gendarmes armés. A quoi est prochain le feu Grégeois, & maintes choses brûlantes. En outre, se peuvent faire perpétuelle lumières, & de bains ardents sans fin ( ainsi comme nous avons connu plusieurs choses, qui ne brûlent point, mais qui se purifient seulement ) & dautres choses merveilleuses & épouvantables de nature. Même lon peut faire en lair des sons comme de tonnerres , voir en plus grande horreur, que ne sont point les tonnerres, qui se font naturellement ( & certes un peu de matière, adaptée a la quantité dun poulse, fait horrible son, & démontre véhémente éclair, ce qui advient en plusieurs sortes & manières ) par lesquels on détruirait toute cité & tout exercite, à la manière de lartifice de Gédéon, qui a détruit lost & larmée des Madianites avec seulement trois cens hommes, par trousses de flèches & carquois vides & par flambeaux ou torches, desquelles il sortait du feu, avec un bruit si violent, & un son si éclatant, quon ne le pourrait bonnement dire ou exprimer. Lesquelles choses sont merveilleuses, qui en pourrait user pleinement en due quantité & matière. Mais je propose de lautre genre, savoir est des effets de lart, choses émerveillables, lesquelles ores quelle ne soient de moult grande utilité, toutefois ont indicible démontrance de sapience, & se peuvent appliquer à la probation de toutes choses occultes ( auxquelles lignare vulgaire contredit ) & sont semblables à lattraction de fer par laimant. Car qui est celui qui croirait telle attraction, si ne la voit, attendu quil y a en icelle plusieurs choses merveillables de nature, que le populaire ne sait point comme lexpérience montre, & enseigne lhomme désireux. Mais ces choses sont plus grandes & plus copieuses, de ce quil y a pareillement attraction de tous métaux par la pierre dor & dargent, & dailleurs que la pierre court au vinaigre, & aussi les plantes lune à lautre, & que les parties des animaux divisées localement concurrent au mouvement naturel. Ce quaprès quai entendu, il ma été rien difficile à croire ( quand je considère bien tout ) soit ceci, soit cela, tant en choses artificielles, que naturelles. Mais il y a plus grandes chose, que celles là ne sont, savoir est, que toute la puissance de mathématique ( jouxte lartifice de Ptolomée, au viij de lAlmageste ) ne met pour instrument, sauf superficie, auquel toutes les choses, qui sont au ciel seraient véritablement décrites par leurs longitudes & latitudes : & que néanmoins ce nest en la puissance du mathématicien, savoir, quicelles se mouvraient naturellement au mouvement diurnal. Pour autant le fidèle, & excellent expérimentateur souhaite, que est instrument se fit de telle matière, & par telle matière, & par tel artifice. Et pour ce que plusieurs choses se tournent au mouvement des corps célestes comme les comètes, la mer en son cours, & autres choses, en tout ou en leurs parties, il lui semble être possible, que naturellement elles se meuvent par le diurnal mouvement. Que sil était ainsi tous instruments dastrologie seraient inutiles, tant les exquis, que vulgaires, ni le trésor dun roi se pourrait à grand peine acquérir. Or, pour suivre mon dernier propos de lart, ils se peuvent faire de plus grandes choses, que navons dites, quant à lutilité publique & privée, non point quant à aucun miracle, cest à savoir que lhomme amènerait quantité dor & dargent sur le champ, & promptement, tant quil lui plairait, selon la perfection de lart, & non toutefois selon la possibilité de nature. Quil soit ainsi, il y a dix sept espèces dor, cest à savoir huit de la mixtion dargent avec or, & huit de ladmixtion de cuivre avec or, comme la première manière se fait de parties de lor avec aucunes parties de largent, jusque qu^il parvienne au vingt deuxième carat ou degré de lor, augmentant toujours un degré dor avec un dargent ; tellement, que la dernière espèce soit de vingt quatre degrés ou carats de pur or, sans mixtion dautre métal. Outre lesquels vingt quatre carats, nature ne peut point procéder, comme lexpérience démontre. Mais quant à lart, il peut augmenter lor en beaucoup plus de degrés de pureté, & semblablement laccomplir sans fraude ou déception. Mais cela est plus grand cas que ne sont point les choses précédentes, savoir est, que lâme raisonnable ne peut être contrainte, & toutefois peut être de fait disposée, induite, & excitée à vouloir delle-même, & de plein gré changer ses meurs, affections, & cupidités, selon le désir & arbitre dautrui. A quoi faire non seulement une personne singulière peut être provoquée, mais aussi toute une cité, & tout le peuple dun royaume ( Et le philosophe Aristote démontre telle expérience au livre des secrets, tant de région, que dexercite, & dune chacune personne ) auxquelles choses est presque la fin de la nature, & de lart. Toutefois le dernier point, & degré jusquoù peut la perfection de lart, avec toute la puissance de nature, cest prolongation de vie jusquà un longtemps, laquelle certes plusieurs expériences ont démontré être possible. Même Pline, fus allégué, récite quun gendarme puissant de corps, & desprit, dura en état, outre accoutumé, ou commun age dhomme. Auquel, comme Octavien Auguste eut dit, & demandé, quil eut fait, pour quil vivait si longuement, il répondit en énigme, quil avait mis de lhuile par dehors, & du vin miellé par-dedans. Aussi depuis plusieurs car adviendrent. Même un rustique fouillant aux champs avec un fossoir, ou une houe, trouva un vaisseau dor plein dexcellente liqueur, de laquelle ( estimant que cétait rosée du ciel ) lava sa face, & en but, au moyen de quoi il a été renouvelé desprit, de corps ,& de bonté de sapience. Dun bouvier a été fait messager du roi de Sicile, ce qui advint au temps du roi Ozias. Plus, il est prouvée par témoignage de lettres papales, que Almanic, étant captif entre les Sarrasins, récent médecine, par le bénéfice de laquelle il prolongea sa vie jusquà cinq cent ans, lors & quand le roi dédit Sarrasins, qui le détenait prisonnier, ayant reçu les messagers du roi Magus, avec cette médecine, que lui était envoyée, la voulut éprouver & expérimenter au dit captif, pour ce quil lavait suspecte, & ne sy fiait point. Aussi la dame de Tormery en la grande Bretagne, cherchant une biche blanche, trouva de longuent, duquel un forestier de bois sétait oint par tout le corps, sauf aux plantes des pieds, & vécut trois cent ans sans corruption, excepter douleurs & passions de pieds. Et nous avons expérimenté de notre temps plusieurs fois, quaucuns hommes ruraux ont vécu sans conseil & aide de médecin cent soixante ans, ou environ. Lesquelles choses se confirment par œuvres des animaux, comme on dirait du cerf, de laigle, du serpent, & de plusieurs autres, lesquels par la vertu des herbes, & des pierres, renouveler leur age & jeunesse. A raison de quoi les sages & philosophes se sont adonnés à tel secret étant excités par les exemples des bêtes irraisonnables, & estimant quil est possible à lhomme ce, qui est possible, & permis aux animaux bruts. Dont Artéphius en sa rapièce des secrets ( ou il enquiert les vertus desdits animaux, des pierres, & dautres choses ) se glorifie pour les secrets de nature, quil a su, & principalement pour la longitude de vie, quil a vécu, & a régné par lespace de 1025 ans. Ainsi par-là se corrobore & confirme la possibilité & prolongation de vie, joint, que lâme est naturellement immortelle, & ne peut point mourir, & aussi quaprès le péché Artéphius a pu vivre environ mille ans, dès lequel temps petit à petit, lui est abrégé la longitude de vie. Pour raison de quoi faut dire, que telle abréviation soit accidentelles, & vu quelle est telle, faut aussi dire que la vie humaine se pourra prolonger, si ce nest en tout, du moins en partie. Que si nous voulons chercher la cause accidentelle ( comme dit est ) de cette abréviation, nous trouverons quelle nest du ciel, ni dautre chose, sauf que du défaut de régime de santé, & de la corruption des père & mère. Même en temps ci les parents sont corrompus, & advient par cela quils engendrent enfants de corrompue complexion & composition & leur fils de semblable cause se gâtent, & descend la corruption des pères aux fils, jusquà ce que labréviation de vie survienne, comme au temps de aujourdhui. Toutefois pour cela ne sensuit point, que toujours elle sabrégera, attendu quil y a temps posé ou préfixé aux choses humaines, savoir est que pour le plus les hommes vivent septante ans, & au surplus ne leur reste que labeur & douleur. Or est il quil y aurait remède, contre la propre corruption dun chacun, si un chacun exerçait de sa jeunesse un parfait gouvernement de santé, qui consiste au boire & manger, sommeil & veille, mouvement & repos, évacuation, constriction, au passion desprit. Même si aucun observait ce régime-là dès sa nativité, il vivrait tant que permettrait nature prise des parents, & parviendrait au dernier but de cette nature tombée dès loffense originelle, lequel terme toutefois il ne pourrait passer, pour autant que régime na remède, ou antidote contre lantique souillure de nos premiers pères. Mais quoi ? impossible est que lhomme soit ainsi régi en tout par médiocrité des choses susdites, comme requiert & demande le dit régime de santé. Et pourtant il faut ( comme dit est ) que labréviation de vie advienne, non seulement de la corruption des pères & mères, mais aussi de cette cause là. Or lart de médecine détermine suffisamment ce régime là. Combien que ni le riche, ni le pauvre, ni le sage , ni le fol, ni les médecins mêmes, tant parfait quils soient, ne peuvent en eux, ni en autres accomplir & observer icelui régime également. Toutefois pour dire, nature ne défaut point en choses nécessaires, ni lart absolu, mais au contraire peut surmarcher & vaincre les passions accidentelles, de sorte quelles soient effacées en tout, ou en partie. Et au commencement que lage des hommes commença décliner, le remède eut été facile. Mais de six mille ans, & plus de temps en ça, il est difficile dy mettre remède. Toutefois & nonobstant cela, les gens savants, mus (comme dit est) des raisons & considérations susdites, se sont évertués & efforcés de trouver les voies, non seulement contre le propre défaut de quelque régime que ce soit, mais aussi contre la pollutin & corruption des parents. Non point pour dire que lhomme peut retourner à la vie dAdam, ou dArtéphius, pour la corruption déjà corroborée, mais quil peut vivre jusquà cent ans, ou que plusieurs peuvent prolonger leur vie outre le commun age des hommes, à présent vivant, quand les passions de vieillesse se retarderaient & ou elles ne pourraient être re tardées & cohibées, se adouciraient. Tellement, quoutre estimation humaine la vie se prolongerait utilement, toutefois environ toujours le dernier terme. Pour laquelle chose connaître, faut entendre quil y a une fin de nature qui est établie aux premiers hommes après le péché, & une autre fin ou terme dun chacun, venant de la propre corruption des parents. Outre lesquels termes lon ne peut passer, mais on peut bien passer celui-là de propre corruption, & non point toutefois parvenir jusquau premier terme. A laquelle prolongation de vie je crois que tel sage, que lon voudrait dire en ce temps, pourrait, atteindre combien que laptitude de lhumaine nature ne soit possible, selon quelle a été aux premiers hommes ( ce que nest de merveille ) & que celle-ci sétend à immoralité, tout ainsi quelle a été devant le péché, & quelle sera après la résurrection. Mais si lon dit que ni Aristote, ni Platon, ni Hippocrate, ni Galien, sont parvenus à tel prolongement de vie, je répondrai quaussi ils ne sont parvenus à plusieurs médiocres vertus & sciences, qui après eux ont été sus par dautres gens vertueux, & que par ce ils ont pu ignorer ces choses très grandes, combien quils y aient travaillé, & pris peine à icelles. La cause cest quils se sont trop occupés aux autres, & sont plutôt parvenus à vieillesse, consumant leur vie aux pires choses, & vulgaires, & non pas aux meilleures & rares combien quils aient aperçu plusieurs & divers secrets. Nous nignorons point que Aristote dit aux prédicamens, que la quadrature du cercle peut être connue restant néanmoins pour lors encore sue. Par quoi taisiblement il confesse lavoir ignorée, & aussi tous les autres jusquà son temps. Mais au contraire, nous sommes certains quaujourdhui la vérité sen fait. Que comme soit ainsi, beaucoup plus pouvait Aristote ignorer les plus profonds secrets de nature, quand il na su la quadrature du cercle. Aussi les sages ou doctes de maintenant ignorent plusieurs cas, que les moyennement doctes sauront au temps avenir. Dont en toute sorte & manière que ce soit, cette objection est vaine & de nulle valeur. Ayant donc nombré certaines choses touchant la puissance de nature, & de lart ( afin que nous concluons & assemblons beaucoup de peu de cas, le tout des parties, les choses universelles des particulières, selon que nous voyons quil ne nous est nécessaires daspirer à lart magique, & vu que nature & lart suffisent ) je veux maintenant poursuivre par ordre chacune choses susdites, & donner causes, & manière particulièrement. En premier lieu je considère, quau poils des chèvres & brebis, les secrets de nature ne sont point enseignés de pour quun chacun les entende, comme veut Socrate & Aristote. Lequel même dit au livre des secrets, que celui là serait infracteur du céleste sceau & cachet, qui communiquerait les secrets de nature & de lart, ajoutant que plusieurs maux adviennent à celui-là qui les révèle. Davantage il dit, comme est récité au livre des nuits Attiques, de la collation ou comparaison des sages, que cest folie de donner des laitues à un âne, vu que les chardons lui suffisent. Et est écrit au livre des pierres, que celui qui divulgue les choses mystiques, ravale & diminue la majesté des choses. Aussi ne sont certains & stables les secrets, que la tourbe ou multitude fait & connaît, si nous avons égard à la probable division du vulgaire, qui toujours dit lopposé des sages. Que ainsi soit, cela quun chacun voit & semblablement ce que voient les sages, principalement renomés, est vrai. Par quoi ce plusieurs voient, cest à savoir, ce que le vulgaire voit, pour le regard de telle chose & telle, il faut que ce soit chose fausse ( je parle du vulgaire, lequel lon s épare davec les sages en ce mot vulgus ). Car quant aux communes conceptions de lesprit, le dit vulgaire saccorde bien avec les sages, mais quant aux propres principes & aux conditions des arts & sciences, il discorde, se travaillant empres apparences, emphysèmes, subtilités, & en choses desquelles les doctes nont soin & cure. Le dit vulgaire donc erre & faut, tant en choses propres que secrètes. Au moyen desquelles (comme est dit) il est séquestré dentre les sages, mais quant est pour le regard des communes, il est compris sous la loi de tous, & ny a différence dicelui avec les sages. Or est il que les choses communes sont de petite valeur, & ne sont proprement à suivre, sauf que pour les particulières & propres. Mais pour dire qui aurait été la cause ou raison que toutes gens de savoir nont déclarés leur secret, & quils ont usé dobscurité, ça été pour ce, que le vulgaire se moque des secrets de sagesse, les méprise, & ne fait ou peut juger des choses très dignes, & dautre part, si quelque chose dexcellence tombe en sa notice, il la reçoit de fortune & par accident, & en abuse en diverses manières au dommage des personnes & de la communauté. Par quoi il est fol & bien bête, qui écrit quelque secret, sil nest scellé & caché du vulgaire, & si à grand peine se peut entendre des vertueux & sages. La vie desquels ainsi certes a été dès le commencement, & ont mussé au vulgaire les secrets de sagesse en diverses sortes & manières. Car aucun les ont cachés par caractères & charmes, & plusieurs autres par énigmes & choses figurées, comme dit Aristote au susdit livre des secrets, ô Alexandre je te veux montrer le plus grand secret des secrets, plût à la divine providence taider à le cacher, & à parfaire le propos de lart de cette pierre, qui est point pierre, & est en chacun homme, & en chacun lieu, & en chacun temps, & qui sappelle le terme ou la fin de tous les philosophes. Et trouve-t-on en plusieurs livres & en diverses sciences (comme dessus est dit) innombrables choses obscurcies par telles paroles, & manière de parler, que personne nentendrait sans quelque docteur. Tiercement, je dis que les sages ont caché les secrets sous ombre & espèce décriture, savoir est tant seulement par lettres consonantes, que personne ne pourrait lire sil ne savait la signification des dictions comme on dirait que les Hébreux, Chaldéens, Assyriens, & Arabes écrivent, & aussi les Grecs. Pour raison de quoi y a moult grande occultation entre eux, & notamment entre les Hébreux, gens de haut savoir. Car Aristote dit deux au livre ci-devant mentionné, que Dieu leur aurait donné toute sagesse, autant ce quils eussent été philosophes, & que des Hébreux toutes nations ont eu commencement de philosophie. Ce que Albumasat au livre appelé Introductory maioris, enseigne & montre manifestement, & les autres philosophes au VIII. Livre des antiquités. Quartement, se fait occultation par mixtion de lettres de divers genres ou espèce. Même le moral astronome ainsi cacha sa sagesse, de ce quil laurait écrite par lettres Hébraïques, grecques, & Latines, en même ordre décriture. Quintement, les philosophes ont couvert & caché les secrets par autres lettres que celles-là qui se font par les gens de leur pays, cest à savoir, par lettres étranges & dautres nations, quils feignent pour leur volonté. Et cest le plus grand empêchement, du quel Artéphius ait usé en son livre des secrets de nature. Sextement, se sont figures non point de lettres, mais de Géométrie, lesquelles, selon la diversité des points, & notes ont la puissance des lettres, & dicelles figures semblablement le dit Artéphius a usé en sa science. Septièmement, y a plus grand artifice de cacher des secrets, lesquels on baille en lart notoire, qui est art de noter & écrire par telle brièveté que nous voulons, & par telle vélocité que désirons. Ainsi donc plusieurs secrets sont écrits aux livres Latins, & ai estimé quil était nécessaire de toucher ces occultations, parce que pour la magnitude des secrets, userai peut être daucune de ces manières, afin que du moins en cette affaire jaide le studieux, ainsi quil me sera possible. Je dis donc que je veux exposer par ordre les choses que jai narrées ci-devant, & que partant je veux dissoudre lœuf philosophal, & chercher (qui est le commencement à autres choses) les parties ou offices dhomme philosophique. Quon broie donc le sel diligemment avec ses eaux, & quon le purifie dautres eaux broyées, & que par divers broiements on le froisse fort avec sels, & quon le brûle par plusieurs brûlements, afin qu il se fasse pure terre libre des autres éléments laquelle je pleige pour la grandeur de ma longitude, être digne dun chacun (quon entende sil est possible, que sans doute ce sera chose composée déléments, & pour autant partie de la pierre, qui nest point pierre,& qui est en tout homme, & en tout temps de lan, se quon trouvera en son lieu) après quon prenne de lhuile comme caillé de fromage & visqueux pour la première fois insecable, au quil trouve la vertu ignée soit divisée, & séparée par dissolution ( or elle se dissout en eau aiguë de tempérée agnité, avec feu lent) & quon le cuise jusquà ce que sa graisse ainsi que celle de chair, se sépare par distillation & quil ne sorte aucune chose de lonctuosité, qui est la noire vertu en laquelle lurine se distille, & après quon le cuise en vinaigre, jusquà ce (qui est cause dadution) quil se dessèche en braise, & que lon ait la dite noire vertu. Mais si lon ne se soucie dicelle, que lon recommence, & quon veille, & prenne garde à ce que je dis, dautant que la locution ou manière de parler est difficile. Or lhuile dissout, & en eaux aiguës, & en huile commune, qui opère plus expressément (voire en huile aiguë damendres sur le feu, tellement que lhuile se sépare, & que lesprit occulte demeure) & en partie des animaux, & en soufre & arsenic. Même les pierres (auxquelles y a huile de superflue humidité) ont terme de leurs humeurs pource en partie quil ny a véhémente union, vu que lun se pourront dissoudre de lautre, pour la nature de leau, qui est subjecté à liquéfaction de lesprit, laquelle est moyenne entre ses parties & lhuile. Dissolution donc être faite, il demeurera humidité pure en esprit, comme bien fort mêlée des parties sèches, qui se meuvent en icelle, laquelle toutefois le feu (qui est appelé des philosophes, soufre fusil) résoudrait. Aucune fois lhuile, aucune fois lhumeur aéré, aucunes fois substance conjonctive ( que le feu ne sépare point ) aucune fois le camphre, quon le lave. Cest lœuf des amoureux de science, ou plutôt le terme & la fin dudit œuf. Et voilà qui est parvenu à nous de ces huiles. Et est celui là réputé entrer huile de Chenesuc, lequel se sépare de leau, & de lhuile, dans lequel il se purge. Davantage lhuile se corrompt (comme on fait) le broyant, ou froissant avec choses séchantes ( comme sont le sel, lancre )& le brûlant (toutefois passion se fait du contraire ) après il se sublime, jusquà ce quil soi séquestré ou privé de son oléaginéité, & leau est comme soufre, ou arsenic, aux minéraux. Il se peut préparer tout ainsi quiceux, néanmoins meilleur est quil se cuise en eaux tempérées en agnité, jusquà ce quil se purge, ou devienne blanc. Certes il se fait autre salutaire coction en feu sec ou humide ( selon que le fait se porte assez bien) ou le distille derechef, jusquà ce que il se rectifie, de la rectification duquel les plus derniers signes sont, blancheur & sérénité cristalline. Mêmement cette huile devient blanc du feu, se nettoie, reluit de sérénité, & merveilleuse splendeur ( ores que les autres en deviennent noirs ) & quand la matière en cette mode ou façon été arse, elle se congèle. De leau & de la terre dicelui il sengendre vif argent, même elle est comme vif argent en minéraux. Mais pour dire, la pierre de lair, qui nest point pierre se met en une pyramide ( cest à dire, un grand bâtiment carré, large par le bas, & aigu par le haut, à la façon de la flamme du feu) en lieu chaud, ou bien en un ventre de cheval ou de bœuf, & se mue en fièvre aiguë. Par quoi quand elle vient dicelle fièvre en 10 & de 10 en 21 afin, que les lies & bourbes des huiles se dissolvent en son eau, devant quelle soit séparée, quon itère dissolution & distillation par plusieurs fois, & jusquà ce quelle soit rectifiée. Et ce est la fin de cette intention. Néanmoins saches quaprès quon aura tout accompli ou parachevé, il faudra recommencer. Mais je veux chercher un autre secret. Que lon prépare argent vif, mortifiant icelui avec vapeur détain par marguerites , & avec vapeur de plomb par la pierre Iherus, après quon le broie avec choses dessicantes & âcres, & choses semblables (comme il est dit ) & quon le brûle, en après quon lélève en lair , tant quil vienne a union de 12, & à rougeur de 21. & jusquà ce que lhumidité dicelui se corrompe. Et nest possible que son humidité se sépare pour lamour de la vapeur ( comme lhuile devant dit ) parce quelle est véhémentement mêlée en ses parties sèches, & ne constitue point terme ou fin, ainsi quil est dit & récité des métaux dessus dit en ce chapitre. Que veux dire ! On sera déçu & abusé, si lon lentend bien les significations de ces termes & vocables. Or il est temps de traiter obscurément le troisième chapitre, afin quon entende la clef de lœuvre, quon quiert & cherche. Aucune fois lon met le corps calciné ( & cela se fait afin que lhumeur en icelui se corrompe par sel, & sel armoniac, & vinaigre ) & quelquefois on le cimente de vif argent, & on le sublime desdits sel, sel armoniac, & vinaigre, jusquà ce quil soit en poudre. Par ainsi les clefs de lart, sont congélation, résolution, incération, projection (& est ici la fin & le commencement) toutefois purification, distillation, séparation, sublimation, calcination, inquisition coopèrent, & alors on se peut reposer. Or il y six cent & deux ans des Arabes passés que lon me pria daucuns secrets. Quon prouve donc la pierre, & quon la calcine avec lente décoction, & quon la broie fort, sans toutefois choses aiguës, & que sur la fin on entremêle un peu deau douce, & quon compose médecine laxative de sept choses ( si lon veut ) ou de six, ou de cinq, ou de quantes il plaira ( toutefois mon esprit se contente de deux ) desquelles la meilleure sera en six, quen autre proportion, ou environ, comme lexpérience peut enseigner le désireux, faut néanmoins résoudre lor au feu, & le couler mieux. Mais si on me veut croire, on prendra une chose, cest à savoir, le secret des secrets, de nature, qui peut choses merveilleuses. Quon mêle donc de deux, ou de plusieurs, ou du phœnix (qui est singulier animal) lor au feu, &quon lincorpore par véhément mouvement, auquel si on ajoute liqueur chaude quatre ou cinq fois, on aura le dernier propos, mais en après nature céleste se vient à débiliter & saffaiblit si on y verse eau chaude trois ou quatre fois. Par quoi lon divisera le faible du fort, en divers vaisseaux (si lon me croit) & évacuera-t-on ce qui est bon. Davantage on mettra ou ajoutera de la poudre, & exprimera-t-on diligemment leau qui est demeurée (car assurément elle amènera les parties indivisibles de la poudre) &pource on amassera à part soi cette eau, dautant que la pondre desséchée dicelle, à vertu ou puissance de médecine en corps laxatif. Quon fasse donc ( comme devant est dit ) jusquà tant que lon vienne à distinguer le fort du faible, &que par trois, ou quatre, ou cinq, ou plus de fois, on ajoute la poudre, & quon fasse toujours en une même manière. Et si on ne peut opérer avec eau chaude, on fera violence. Que si pour aiguité ou tendreur de médecine elle vient à se rompre, après ce que lon aura mis de la poudre, lon ajoutera cautement plus de lor & du mol. Au contraire. si pour labondance de la poudre elle se rompt, lon mettra plus de médecine. Et si pour la force de leau, on la réinsérera avec un pilon, & amassera-t-on la matière tant bien quil sera possible, & lon séparera leau petit à petit (& retournera en état) laquelle eau on séchera, joint, quelle contient poudre & eau de médecine, quil faut incorporer comme poudre. Or quon ne sendorme point en ce lieu, car il y est contenu un moult utile & grand secret. Mais si on savait bien ordonner les parties dun petit arbrisseau brûlé, ou dun faulx, & de plusieurs choses naturellement garderont union, & quon ne mette cela en oubli parce quil sert, & est profitable à plusieurs choses. Or on mêlera trinité avec union amollie ou fondue, & proviendra (comme je crois) chose semblable à la pierre appelée des Latins Ibetus. Et sans doute quon mortifie ce qui es t à mortifier par la vapeur de plomb (on trouvera le plomb, si lon à pris du mort) & quon ensevelisse le mort au four de circulation (Quon tienne ce secret, car il nest pas sans utilité) & on fera le semblable avec vapeur de marguerite, ou avec la pierre dite des latin Tagus, & toutefois on enselevira le mort, comme jai dit. Or les ans des Arabes, savoir est passés, je réponds à ma manière, il faut avoir médecine qui dissolue en chose molle, & soit jointe en icelle, & quelle pénètre en son terme deux, & mêlée avec elle, & ne soit point cerf fugitif, & quelle transmue icelle, mais soit mêlé lesprit par la racine, & soit par la chaux du métal fixe ( or lon ^estime que fixation prépare, quand le corps & lesprit se mettent en leur lieu, & se subliment ) & quil se fasse autant de fois, que corps soit fait esprit, & esprit soit fait corps. Quon prenne donc des os dAdam, & de la chaux sous même poids ( six choses y a à la pierre petralle, & cinq à la pierre dunion ) & quon broie cela avec leau de vie ( de laquelle le propre est de dissoudre toutes autres choses ) par façon quelle soit dissoute en icelle, & brûlée ( or signe dincération est que médecine ne coule sur le feu bien ardant ) en après quon la mette en même eau en lieu humide, ou que lon la suspende en vapeurs deaux moult chaudes & liquides, puis que lon la congèle au soleil, finalement on prendra du sel pierre, & convertira-t-on argent vif en plomb, & derechef on lavera tant le plomb, & le mondifiera-t-on tant, que la dite chaux soit prochaine à argent. Alors on opérera comme devant est dit. Item, on fera boire ainsi tout cela. Mais toutefois on prendra du sel pierre, lu, ru, vo, po, vir, can, utri, & du soufre, & ainsi lon fera tonnerre & coruscation, & conséquemment artifice. Sur ce néanmoins quon voie considère, si je parle point en énigme, & en sens, couvert, ou bien selon sens littéral. Certes aucun ont autrement estimé, & nont été de cet avis. Même il ma été dit, quon doit tout résoudre la matière, de laquelle on aura dAristote aux lieux vulgaires & célèbres, pour lamour de quoi je nen veux parler. Or quand on aura ces choses là, alors on aura plusieurs simples & égaux, & fera-t-on cela par choses contraires & par diverses opérations, lesquelles jai ici appelées les clefs de lart. Et Aristote dit, que qualité de puissance contient action & passion de corps, ce que aussi dit Averrois, en réprouvant Galien. Or cette médecine est estimée la plus simple quon puisse trouver, & la plus pure, & qui est bonne contre fièvres & passions de lâme & des corps, & qui est de meilleur prix & marché que nulle autre quelquelle soit. Qui récrira ces choses aura la clef qui ouvre, & que personne ne clôt, & quand il laura close personne nouvrira.
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http://perso.orange.fr/chrysopee/somalc.htm